لَا إِلَـٰهَ إِلَّا اللَّـهُ

Publié le par AdeleacheH

Wahb Ibn Mounabih (mort en 110):

"Est-ce que -La Ilaha Illa Allah- n’est pas la clé du paradis ? Il a dit: Certes si, mais il n’y a aucune clé qui n’a pas de dents. Celui qui se rend à la porte avec une clé qui a les dents la porte s’ouvre pour lui mais celui qui se rend à la porte sans avoir de dents sur sa clé la porte ne s’ouvre pas pour lui."

 

Aussi loin s'élancent-ils, mes yeux se posent , ils trouvent toujours une surface quand bien même ne resterait-il plus qu'elle pour donner consistance hors du temps à l'âme dans son plus simple appareil. Eté 2015, le soleil s'était baissé au point d'embrasser la terre et avait trouvé là une nuit qui s'était saisi du coeur des ténèbres comme la lampe se saisit du feu, non pour son essence, non pour sa qualité, ni sa couleur... Saisir. Eté 2015 donc, je longeais les murs et parcourais les vastes pièces entourées de corridors de cette maison que je connaissais déjà bien et retrouvais finalement ma chambre, pièce au demeurant très sobre, si ce n'est un détail qui ne vous aurait pas échappé et même peut-être interrogé, sans doute, l'installation dans la chambre elle-même de trois petits lavabos en tous points identiques. J'étais donc prête à m'endormir quand le sol, sembla se dérober à moins que ce ne soit mon lit, à la fonction qui lui incombe en premier lieu, le repos ! Dans le fracas mécanique d'un vieux wagon, sous le regard démoniaque d'un être terrifiant recouvert par les brumes de la nuit et qui se trouvait derrière ma fenêtre, j'avais la sensation de partir, comme sur des rails et il n'y a pas jusqu'à l'idée de fuir qui ne m'ait quittée à ce moment là. Ce moment où le refuge n'est plus celui que l'on chercherait pour son corps, lequel allant un chemin ferré est prit d'un mouvement ...comment dirais-je ? antinomique à celui d'un mouvement sur l'eau par exemple. Voguer ! rien n'est plus conjugué que les efforts d'un marin avec l'eau et les vents, mais prenez en revanche  le cheminement d'un astre, voilà déjà toute velléité d'humeur réduite à néant, tout effort de lutte insensé ; c'est bien ce sentiment que j'éprouvais alors. Pour mon corps seulement. Derrière la fenêtre défilait le paysage, une bombe explosa sur un immeuble et son arbre attenant ; quant à moi, j'étendais de toute mon âme ma main dans laquelle je répétais inlassablement

لَا إِلَـٰهَ إِلَّا اللَّـهُ

Je crois que c'est au bout d'une dizaine de fois, alors que mon invocation était toujours dite dans une langue arabe parfaite, alors (!) que naturellement, ça me demande un effort de traduction et de récitation au minimum, qu'un regard chargé de souligner cette soudaine facilité revint sur moi. Je passais dans un tunnel puis me retournais subitement sur ma main gauche chargée d'un encens dont l'odeur m'avertît du retour immédiat à l'éveil, ce qui fut sur-le-champ. 

Voilà le genre de périple cauchemardesque où l'horreur le dispute à la plus grande félicité dont on aimerait éliminer toute duplicité et toute ambiguïté. Le chemin habituel en vérité pour la nomade que je suis parmi les nomades, dont le chemin n'est pas plus choisi que le passant qu'il faut pourtant saluer entièrement en sachant que d'un instant à l'autre nous nous quitterons pour toujours sans aucun espoir de se croiser à nouveau sauf si le destin en a décidé autrement. La certitude que ces chemins là sont écrits et que nous sommes les astres de son ciel, déroulé comme une trame dont nous découvrons toutes les épiphanies en quelque sorte. La vanité des complicités et des comploteurs est la plus rare chose qu'un nomade peut admirer et moquer selon moi.

Quelques jours plus tard, alors que je voyageais dans ma voiture, je perdis ma route faute d'avoir lu un panneau et me retrouvais ainsi perdue au beau milieu des tunnels lyonnais. La radio émettait par intermittence et cependant j'eus le loisir de surprendre la conversation qui se déroulait sur la signification de ces paroles

لَا إِلَـٰهَ إِلَّا اللَّـهُ

Cette personne dont je ne me souviens plus du nom, expliquait que l'islam et singulièrement son messager avait mis en exergue bien avant l'heure ce qui était la raison d'être de l'athéisme pur, à savoir "il n'y a pas de Dieu", gouffre d'angoisse existentielle dont l'issue se résout par Le Dieu qui se révèle, "Sinon Dieu".

Me souvenant de mon rêve dont je vous ai décrit les quelques grandes lignes, il me parait clair aujourd'hui que ce gouffre existentiel, "il n'y a pas de Dieu", n'avait pas la nature d'un néant pur qu'il faudrait se contenter de déduire logiquement à la manière rationnelle, mais bien plutôt la tonalité d'une réponse en lutte ! Le bruissement du monde chuchote Sa présence et combien d'imposteurs ? Et on ne peut nier que ce que l'on connait...

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G
Mille fois merci pour la patience incroyable dont vous avez fait preuve à l'égard de mon ignorance – j'ignore tout de la théologie et du reste ! Votre réponse a déclenché une véritable tempête. Je ne l'ai lue que depuis seulement quelques heures mais elle m'a plongé dans une méditation qui m'absorbe encore ! Je voudrais tant pouvoir vous exprimer de façon claire et concise ce qu'elle a ouvert comme abîmes, soulevé comme inquiètes interrogations... Ce commentaire-ci, à l'extrême inverse, ne vous sers en rien : bégaiement inepte de cet autre qui bat la campagne. Surtout je ne veux plus me laisser aller à disserter dans ce cadre-là, le vôtre, ce serait lourdeur et pédanterie. A ce point, j'ai beau chercher, je n'envisage pas, de mon côté, de remèdes moins déraisonnables qu'un échange épistolaire, avec un risque énorme, j'en conviens. Terrible maladie vraiment que d'avoir le cerveau débordant de mots.
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A
Mais je vous en prie. J'affectionne depuis longtemps maintenant le support spécifique que peut être un blog, d'autres blogs puis ici le mien. Et c'est un lieu qui ne peut presque pas se passer de la correspondance, j'en suis absolument convaincue, vous êtes le bienvenu.
G
Cette clé, la clé, un hasard ? Excusez ma vanité à vouloir imaginer là – et dans d'autres détails – un très lointain écho à mes tours.<br /> Je ne sais dans quel esprit vous avez écrit ce nouveau texte, mais pour ma part j'ai apprécié ce "tunnel" entre rêve et réalité – mais pas que. Je vous rejoins d'ailleurs largement dans votre définition de l'athéisme et je me permets de vous poser la question : puisque l'athée ne peut nier Dieu que parce qu'il le connaît, n'est-il pas justement envisageable qu'il comprenne le croyant, parfois mieux que le croyant ne se connaît ? Ne venez-vous pas d'établir une timide passerelle au-dessus du gouffre ?<br /> Pour la forme, j'aime ici assez – encore une fois de façon très personnelle – ce style plus épuré par lequel passe pourtant bien des choses, comme j'ai déjà pu vous le confier...
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A
Ah, on peut repenser des centaines de fois à un événement, écrire, avec des mots qui reprennent leur droit aussitôt inscrits dans la fixité d'une page, c'est un peu reproduire la carte du chemin emprunté, et cela l'esprit seul a des difficultés à le faire sans ce médium...L'ingénierie de mes rêves était à l'oeuvre. Bien clin d'oeil aux tours de clé bien sûr quoique le lien à cette citation soit le premier qui vienne pour une simple recherche sur l'expression arabe citée. Hasard qui tombe trop bien comme toujours. Je me suis donc figuré le vide d'une serrure à remplir de dents ajustées...Et prendre la mesure de son vide ...Connaît-on Dieu ou soi en ce cas ? Tout se renverse et tourne, c'est le moins que l'on puisse dire. Je crois que vous n'avez pas vu que dans mon texte, pour moi enfin, l'athée est celui qui nie en prenant la mesure de son propre vide, qu'il rempli de ce qui lui plaît, alors que dans ma perception, la mise à l'épreuve de toute clé est inévitable, il faut ouvrir la porte, alors imaginez qu'on ne met pas Dieu à l'épreuve, que toute mise à l'épreuve est une négation en soi de Dieu, que trouver à remplir son vide intérieur est déjà une négation de Dieu en soi, car connaît-on mieux Dieu que qu'Il ne se connaît Lui-même ? Alors oui, refuser toutes les idoles, les fausses divinités des paradis perdus, pour laisser agir le Vrai tel qu'il est en lui-même incommensurable, savoir que tout ce qu'on a mesuré n'est pas Lui précisément et qu'on ne peut pas Le nier en Vérité, c'est le seul chemin, celui de la théologie négative par exemple. En quelque sorte celui qui a nié le Christ chez les chrétiens, Pierre, le prenait encore sans doute pour une divinité, mais si étonnant ce signe de quelque chose qui s'est déjà produit, après la guerre dirait-on, un chant d'oiseau pour dénoncer la conscience, non un signe pour la guider, comme s'il était impossible de dépasser l'aube par son seul témoignage, c'est Dieu qui témoigne de sa propre divinité, personne d'autre. Enfin, merci comme toujours pour votre commentaire qui est l'épine car si vous avez raison, si l'athée niant Dieu, retranche en vous Sa trace, Son Visage, et vous laisse seul tel que vous êtes, pourquoi cela signifierait-il qu'il vous connaisse pour autant vous, seul ou associé avec Dieu ? qu'il soit vous comme si, hum, la science avait compté pour rien dans les fins qu'elle se propose ? C'est la difficulté de votre remarque pour moi, même si on peut espérer aussi que Pierre s'est avant tout renié lui-même et que la clé lui a été donnée car il n'avait pas à avoir foi en ses propres paroles ? La science doit évidemment se donner une conscience sans quoi, c'est une ruine à n'en pas douter. L'athée a compris qu'il pouvait mettre à l'épreuve, je crois que c'est tout ce qu'il y a de commun entre nous...