L'étrangeté

Publié le par AdeleacheH

Parfois la réalité n'est vraiment qu'une idée, pas plus lourd que ça

on s'en rappelle comme d'un souvenir personnel avec toute sa cohorte d'événements pour porter l'esprit jusqu'à elle, comme vers l'amour

Etre dans le réel signifie alors ne plus avoir besoin de se souvenir

Puis il y a l'être déchiré devant un monde qu'il veut oublier,

s'il n'a pas cette idée qui vient en lui, justifier dans la nuit son oubli

certainement qu'il suicide les ténèbres de sa chair dont il refuse à l'âme d'entrer dans l'histoire.

On ne saurait être une puissance, une virtualité trop longtemps, comme s'il était possible que les actes purs se soumettent de toute éternité également à nous. S'il en fut, l'acte pur a cependant l'horizon de notre propre virtualité pour nous.

Manquant d'idée, de réalité, tout en l'ayant à ce moment même sous les yeux , ou plutôt n'en ayant qu'une semblance...Combien de collyre pour des yeux illusionnés faut-il mettre pour dégager le mensonge du virtuel ? Il en va comme pour les songes ou les rêves qu'on serait bien maudits d'omettre comme des mensonges, des livres qu'on ne serait pas capable de vivre. Enfin, je suppose qu'il faut avoir bu le goût amer d'un rêve méprisé pour le savoir. Les souvenirs sont chargés de démontrer que la réalité est suivie d'un songe, le songe, qu'il la précède. Ainsi sommes-nous une histoire pour la réalité. Et plus que cela passant d'un monde à l'autre.

J'ai renoncé à nommer le mensonge dans la vie. Je préfère penser que je n'ai pas les mots, la vision plus exactement, derrière l'histoire brute que je ne fais que subir, rester une puissance dans le cours des choses dont les actes ne sont pas mon histoire. Il faut tout réécrire, tout le temps. Passer d'un monde à l'autre.

Voilà le rêve que je fis un jour. Il faisait nuit, et le vent amoncelait des vapeurs obscures aux bords de la fenêtre. Les torsades en fer d'une table que je ne connaissais pas luisait à la faible lueur blanche nocturne. J'étais devant mon ordinateur quand je vis soudain qu'un homme était couché sur mon lit, sous mes couvertures. Je lui expliquai presto qu'il était impossible qu'il reste là et qu'il devait partir sans délai. Sur le pas de ma porte, il me dit simplement et profondément qu'il avait froid, qu'il était pieds nus. Je le regardais mieux alors et, sans vraiment distinguer son visage dans l'obscurité, je voyais des files bien rangées d'insectes le traverser. Je le poussais vers la sortie en lui promettant de lui payer l'hôtel mais qu'il devait partir. Je retournais dans mon salon et là se trouvait un sac plastique sur la table. Je m'asseyais et regardai à l'intérieur, des racines blanches assez sèches qui me donnait envie de fumer. C'est à ce moment qu'une femme par dessus mon épaule mit sa main dans le sac en me disant "non, regarde" et sur ces mots ouvrit sa main. Dans la paume de sa main, deux bouteilles de collyre d'eau...

Je me réveillais, comme tous les matins sur un de mes innombrables lieux de travail, suivant les caprices des besoins du service. A la fin de la journée, la femme avec laquelle je travaillais vint nous voir, l'air déconfite devant ce qu'elle venait de trouver, chose inédite qu'elle n'avait encore jamais vue, puis elle ouvrit sa main , là, deux bouteilles de collyre qu'elle avait trouvé dans une poubelle dont l'utilisation très occasionnelle ne se prêtait pas d'ordinaire à ce genre de dépôt...

Savoir ce qui signifie n'avoir aucune raison d'être paranoïaque, la volonté n'appartenant plus à une faible personne, et sentir le souffle d'un oeil qui sort du temps et de l'espace. Sentir la réalité se scinder sous ses yeux en deux, l'histoire et sa réalisation.

Pourquoi une histoire si gratuite, impliquant des personnes que je ne connais pas et que je ne reverrai sans doute jamais ? Je repris ma route, c'est tout ce qui importe. J'avais vécu au milieu des étrangers.

Publié dans Onirisme

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G
Étranges entremêlements du rêve et de la réalité, car après tout ne sont-ils pas un ? et qui m'évoquent agréablement ceux des contes d'Hoffmann.
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A
Oh...oui l'"inquiétante étrangeté" en filigrane, c'est une chose à laquelle je n'aurais pas pensé sans vous. Merci ! Le même évoque l'unité, et je crois qu'évoquer l'unité elle-même, c'est connaître alors ce passage en quelque sorte qu'est le réveil !