Un rêve mystique

Publié le par AdeleacheH

Le mystère est la limite donnée à notre raison. Lorsque j'étudiais la philosophie d'Aristote, cette partie de l'âme, l'intellect, donnait à voir la limite de son être compréhensible dans sa séparation après la mort, et plus spécialement la question de savoir si quelque chose de ce qui l'a inspiré tout au long de la vie, le parfum du vécu, lui reste attaché, s'encre dans l'esprit ou s'ancre à la chair destinée à la tombe. Il y a dans ce passage, à la fois le mystère et la révélation, je suppose.

Ainsi, parmi toutes les images que l'expérience a pu me laisser en souvenir, une seule convient tout particulièrement à cette réflexion, car elle se teinte de mystique, lieu de débordement de la sage mer des philosophes, ciel des croyants, et peut-être même, faut-il que j'y pense ! , île de ceux qui ont largué les amarres et se retrouvent sur la fine pointe encore émergée de leur âme.

J'avais alors 24 ans et perdais énormément de temps en lecture, réflexion et prière. Je me disais que si l'on ne perd point de temps à 20 ans, les mains libres, pour ce qui nous préoccupe, pourquoi le ferait-on mieux après, alors que la plupart d'entre nous ne sommes plus libres de rien et surtout pas du temps. Figurez-vous une belle journée bien ensoleillée en plein midi. Que l'intuition d'une mort imminente fasse jour à votre esprit, là, alors que vous êtes assis, laissant encore infuser les dernières paroles sacrées que vous avez dites et que rien ne bouge à l'entour. Qu'est-ce qui pourrait vous donner ce sentiment, et finalement la seule intuition dont on sait qu'elle doit se réaliser un jour ou l'autre ? Etrange perception que la mienne ce jour là où je vis une boule de lumière, sphère parfaite, fendre l'air comme un poisson, traverser ma fenêtre et se poster à hauteur d'homme à deux mètres devant moi. Elle s'enfla et d'un bond, pendant lequel je crû tout simplement mon hallucination évaporée, elle disparu de mon champ de vision au dessus de moi. Pensez-vous que c'était la fin d'une hallucination purement visuelle ? Après tout, même la rationalité la plus stricte sait expliquer un mirage dans le désert. Non, ce n'était pas fini car je sentis immédiatement, c'est précisément le cas de le dire, un corps et plus précisément comme deux mains m'écarter le haut du crâne et s'engouffrer, ma foi comme s'il y avait là une fontanelle mystique qu'un quelconque corps pouvait toucher. L'énergie qui se dégagea dans cette fusion fut si intense qu'après n'avoir rien pensé d'autre que senti, j'en vins en une fraction de seconde à envisager que j'allais mourir là, foudroyée sur le champ, comme après tout cela arrive régulièrement même aux plus jeunes d'entre nous. Savez-vous ce qu'on fait dans ce cas ? On lève ses yeux comme si l'on levait toute sa volonté et on est prêt à mourir, à passer le passage que l'on ne sait pas, à voir la suite comme jamais on ne l'est autrement. Littéralement, on aurait des ailes pour faire l'envol final. Je sentis ma tête qui semblait se dilater sous la force de l'énergie, une soudaine rétractation et l'explosion finale qui fut comme un rayonnement sur lequel le silence passa. Je regardai, rien n'avait bougé, rien ne se passait plus, et j'étais toujours là. Qu'est-ce à dire ? Rien. Il y a des événements, comme celui-ci dont on sait déjà que rien ne viendra les mêler à une chaîne de cause et d'effets matériels tels que la science puisse s'en emparer. J'avais même envisagé d'oublier purement et simplement cet épisode mais, est-ce un hasard si la lumière se rappelle au souvenir, se fasse souvenir, métaphore si puissante et condition humaine si nécessaire que tout phénomène lui soit conjoint d'une façon ou d'une autre ?

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G
Dans un élan d'enthousiasme je me suis effectivement permis de partager votre texte. Maigre publicité, s'il en est ! Mais pardonnez-moi plutôt de risquer à éclairer davantage les raisons de cet élan soudain. En effet, si l'écriture est un dialogue avec soi, le récit est un monologue adressé au genre humain. Si le récit confie, la confidence révèle. A mes yeux, il n'est pas de plus haute élévation – pour le lecteur et pour l'auteur – que la révélation du mystère. Quand cesse l'arrogance abjecte de la certitude et naît le frémissement salvateur du doute, vrai commencement de la foi. Bref, le récit – et le conte – en tant que transmission du sens et mieux encore en tant que transmission du mystère approcherait peut-être l'idéal de toute narration et, par de-là même, de tout effort d'écriture. Partant de cette Anschauung, vous comprenez, je l'espère, le double attrait qui est le mien – narration comme surgissement inexpliqué du sens – et j'endiguerai ici mon commentaire – en attente de la seconde vertèbre.
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G
Ce texte est celui que j'ai lu jusqu'ici avec le plus d'enthousiasme. Le fond et la forme atteignent ici une harmonie. La meilleure preuve est que j'ai compris l'idée que vous vouliez faire passer.
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A
Merci beaucoup pour ce commentaire, c'est un texte qui me tenait à coeur et il devrait avoir une suite...Est-ce bien vous qui l'avez reposté sur votre blog?